Moreirense-Benfica, Moreirense-Porto, Moreirense-Sporting, il se pourrait que vous ne puissiez assister à aucun de ces matchs (ainsi qu’à tous les matchs à domicile de l’équipe de Conegos) depuis votre téléviseur (ce peu importe vôtre (vos) abonnements) mais uniquement depuis le stade. Tout cela car Moreirense a décidé de montrer courageusement ses muscles à Sport TV.

Soumis à la loi de l’incompréhensible négociation individuelle des droits TV (que nous aborderons plus bas) les petits clubs du championnat portugais finissent très souvent par brader les prix et ne récolter que les miettes. Pourtant Moreirense a courageusement décidé de résister, en refusant une offre de 3,5 M d’euros proposée par Sport TV (qui revend ensuite ses droits dans le monde entier) pour la retransmission de ces matchs à domicile.

À seulement 7 jours de son premier match à domicile en championnat, c’est la seule équipe de la Ligue à ne pas avoir encore signé d’accord de retransmission TV. Les négociations sont cependant toujours en cours et il devrait y avoir une avancée dans les prochains jours.

Le plus triste dans cette histoire, c’est que le seul levier de négociations dont dispose l’équipe de Conegos, est uniquement basé sur les 3 rencontres face à Benfica, Porto et Sporting. Selon le président du club, un match Moreirense – Benfica doit se vendre plus cher qu’un Benfica – Moreirense. Car le stade Comendador Magalhaes Pessoa est bien plus petit que le stade de la Luz.

Dur dur d’être un petit club au Portugal…

Ayant refusé il y a peu une offre d’Altice par compromis avec la Sport TV, l’équipe de Moreirense relance ainsi le débat de la centralisation des droits TV, qui sera bien évidemment impossible à court terme (à cause des contrats de longue durée signés avec Benfica, Porto et Sporting).

Mais si l’on connaît le montant de l’offre refusé (3,5 M), dans le cas où les deux parties parviendraient à un accord, on ne connaîtra peut-être pas le montant final de cet « éventuel » accord. Car souvent, il est inclus dans les négociations une clause de confidentialité.

La jungle des droits de retransmission TV en Liga Nos

Tous les clubs ne sont pas cotés en bourse et n’ont donc pas toujours l’obligation de publier un bilan détaillé de leurs finances. Dans ce monde opaque où règne la loi du silence, du plus fort et de l’individualisme, le montant des droits TV est un secret bien gardé parmi les moyens et petit club du championnat Portugais.

Au lieu de suivre un modèle européen basé sur la centralisation déjà bien ancrée et qui a prouvé son efficacité, au Portugal on préfère se tirer une balle dans le pied. Mais pourquoi les choses sont-elles ainsi ?

Une fois encore, les grands clubs (Benfica, Porto et Sporting) sont les grands responsables de cette situation ubuesque. Même si les torts peuvent être partagés avec Pedro Proença, président de la Ligue portugaise, qui s’était pourtant fait élire avec la promesse de réussir à mettre tout le monde d’accord.

L’argument des trois géants du football portugais est irréfutable. Il existe une disparité trop importante de notoriété et donc de valeur commerciale entre les clubs du championnat. Ils ont donc peur de voir leurs droits de retransmission baisser avec la centralisation. Un argument qui pourrait être valable si les exemples des championnats voisins ne prouvaient pas contredire cette théorie.

Prenons l’exemple de l’Espagne, notre plus proche voisin dont le championnat est dans beaucoup de points similaires au Portugais. Là-bas aussi le Real Madrid et Barcelone ont bloqué pendant plusieurs années la centralisation, invoquant eux aussi les mêmes raisons. Comment peut-on comparer la réalité des Merengues et Blaugranas aux autres équipes du championnat. Cela paraissait mission impossible. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il aura fallu attendre un intermédiaire plutôt inattendu dans ces négociations : l’État Espagnol.

Beaucoup de clubs étant déficitaires, la Liga était en danger (tiens encore un point commun avec le championnat portugais) le gouvernement s’est donc invité à la table des négociations pour forcer les clubs à trouver un terrain d’entente.

Résultat : Non seulement le Barça et le Réal n’ont pas vu leurs droits baisser, mais au contraire, ils les ont vus légèrement augmenté. En revanche en bas de tableau, les petits et moyens clubs ont eu, vu une très forte augmentation des leurs revenus comme vous pouvez le voir dans le tableau ci-dessous, depuis le début de la centralisation en 2016-2017.

Gagnant gagnant donc…

 

L’explication est simple, l’union fait la force. Le championnat portugais pourrait connaitre une explosion dans sa compétitivité, une meilleure visibilité mais aussi garder beaucoup plus longtemps ses meilleures pépites et amener plus de public dans les stades si les droits étaient centralisés.

Et si tout ça n’a pas encore fini de vous convaincre, on va vous détailler ici le montant perçu par les clubs portugais dont les accords sont publics et qui ne disposent pas d’un accord de confidentialité.

Les droits TV des clubs Portugais :

SL Benfica :

Benfica a signé un contrat qui a débuté en 2018 avec l’opératrice portugaise NOS d’un montant de 400 millions d’euros pour une durée de 10 ans. Ce qui fait donc approximativement 40M par saison. À savoir que contrairement à Porto et Sporting CP, cet accord garantit seulement les droits de retransmission ainsi que de l’exploitation de Benfica TV. La publicité dans le stade, ainsi que le sponsor sur le maillot signé avec Fly Emirates (et qui rapporte 8M par an) sont signées à part et permet donc à Benfica d’être le club portugais avec le plus de revenus publicitaires.

FC Porto :

Le FC Porto s’est engagé pour dix ans avec l’opérateur MEO (filiale d’Altice) pour la retransmission de ses matchs à domicile (depuis 2018), l’exploitation de la publicité dans le stade du Dragon, le sponsoring du maillot (pour une durée de 7 ans et qui a débuté en 2016) ainsi que l’exploitation de Porto Canal pour une valeur totale de 410,5 M€ soit environ 41.5M par an.

Sporting CP :

Le Sporting CP s’est lui aussi engagé avec NOS tout comme Benfica, mais dans le cas des lions l’accord comprend en plus de la retransmission des matchs à domicile (qui a débuté en 2018), l’exploitation de la publicité au stade Alvalade XXI, le sponsoring du maillot pour une durée de 12 ans (mais qui a débuté en 2016) ainsi que la Sporting TV et une renégociation (rachat) des droits antérieurs de la saisons 2015, 2016 et 2017 pour un montant total de 515 M€ soit 51,5 M€ par an.

SC Braga :

Ces dernières années le Sporting Braga s’est de plus en plus approché des trois géants du football portugais, que ce soit en matière de résultats sportifs, de formation de jeunes talents ou d’infrastructures. En revanche, la différence de valeur commerciale est abismale, les guerreiros do minho ont vendu leurs droits TV à NOS pour 100 M€ pour une durée de 10 ans, ce qui équivaut à 10 M€ par an. Le sponsoring maillot, la publicité du stade est quant à elle totalement exclue de cet accord, ce qui permet à Braga d’avoir une petite marge de manœuvre pour augmenter ses revenus.

Vitória Guimarães :

L’accord signé avec Guimarães dispose d’une clause de confidentialité avec la NOS. Cependant de nombreuses rumeurs sont apparues dans la presse peu de temps après que l’accord ait été signé. On parlait alors d’un montant à trois chiffres (en millions d’euros) comme confirmait à l’époque le président Julio Mendes. Selon toutes ces rumeurs le Vitoria SC dispose donc d’un contrat estimé entre 90 et 200 M€ pour une durée elle aussi inconnue.

Boavista :

Le club de Boavista a signé avec MEO un contrat de trois ans seulement qui comprend donc la retransmission des matchs à domicile mais aussi la publicité dans le stade du Bessa et sa zone commerciale pour un montant 13.5 M€ soit 4,5 M par saison. Une différence considérable avec les autres clubs dont nous vous avons communiqué les montants, pour ce contrat qui prendra fin en 2019/2020.

Rio Ave :

L’équipe Villa Condense est la dernière des équipes dite « de milieu de tableau » et qui a signé un contrat avec MEO pour une durée de 12 ans pour la retransmission des matchs à domicile, mais aussi du stade et du sponsoring du maillot. Mais là encore le montant est tenu à un accord de confidentialité.

Moreirense et les autres :

Comme nous avons vu plus haut dans l’article, l’équipe de Moreirense aurait refusé une offre de 3,5 M€ faite par la Sport TV aux clubs de petite dimension. On peut donc imaginer que le montant que perçoivent les autres équipes est très proche de celui-ci, même s’ils sont tous soumis à un accord de confidentialité. Moreirense est donc pour l’instant le seul club à ne pas encore avoir d’accord à 7 jours de son premier match à domicile, face à Gil Vicente lors de la deuxième journée de championnat, même si on peut raisonnablement imaginer qu’un accord sera bientôt trouvé et qu’il devrait donc être supérieur à 3,5 M€.